Une partie de soccer
(p. 78-80)
Quelques semaines plus tard, alors que la routine semblait avoir repris ses droits dans la région, on ne parlait plus du passage du convoi militaire ou de la grève en cours dans les bananeraies, personne ne souhaitant aborder le sujet. Mais ce calme apparent, n’empêcha pas Paul de s’inquiéter pour ses jeunes. Il voulait leur changer les idées, les distraire.
C’est avec cela à l’esprit qu’il proposa une partie de soccer aux jeunes du village. José donna congé à ses élèves et accepta d’arbitrer la partie, le père Callaghan ayant insisté pour jouer comme gardien de but. Ce dernier demanda aussi que Paul fasse de même afin d'offrir des chances égales aux deux équipes, comme il présenta la chose.
C’est ainsi que par un bel après-midi ensoleillé, 20 ados plus deux gardiens adultes et un arbitre se retrouvèrent sur la route de terre longeant la partie ouest du village, pas bien loin du cimetière. Des sacs de jute remplis de sable firent office de poteaux de but.
Le fun commença avant que ne débute la partie, quand Paul protesta contre le fait que le père Callaghan avait enfilé sa soutane de curé pour garder les buts.
« Père John, c’est quoi l’idée de porter une soutane ?
— C’est pour montrer de quel côté Dieu se tient, répliqua le prêtre, d’un ton moqueur.
— A mes yeux cela tient plus du sacrilège, contre-attaqua Paul.
— Ce n’est certainement pas à toi d’en juger », ajouta le père Callaghan pour clore le débat.
Tous, sauf le prêtre, rirent de bon cœur. Puis José appela les équipes à jouer.
« Bon ça suffit maintenant ; cessez ces enfantillages et commencez la partie. »
Après que le père Callaghan eut arrêté quelques tirs avec sa soutane qui descendait jusqu’à ses pieds, tirs qui auraient dû passer entre ses jambes, Paul dit à José qu’il envisageait de déposer une plainte en tricherie manifeste de la part du gardien adverse. Les jeunes passaient un super moment.
À un moment donné, Arnoldo, qui jouait dans l’équipe du père Callaghan, bluffa la défense adverse et se retrouva tout à coup seul devant Paul. Surpris par sa propre feinte et sans doute trop nerveux pour tirer le maximum de cette occasion unique, il précipita sa frappe et rata le filet gardé par Paul de peu. Le ballon roula sur une trentaine de mètres jusqu’à ce qu’il disparaisse dans le fossé bordant la route du côté opposé au village. Jorge, qui jouait défenseur dans l’équipe de Paul, courut chercher le ballon, mais s’arrêta net au bord du fossé, incapable de parler en fixant le fond. Alarmé par le comportement du garçon, Paul s’empressa de le rejoindre. Ce qu’il vit l’horrifia et le laissa lui aussi sans voix.
Le ballon avait fini sa course sur le ventre d’un corps mutilé gisant au fond du fossé. Voyant leurs réactions, José se tourna vers les autres jeunes et leur ordonna de rester là où ils se trouvaient. Après quoi, lui et le père Callaghan se hâtèrent de rejoindre Paul pour constater par eux-mêmes ce qui avait bouleversé Jorge, puis Paul. José prit doucement Jorge par les épaules pour le détourner de la scène macabre. Le garçon éclata en sanglots et enfouit son visage dans l’épaule de José. Après quelques mots de réconfort, José lui demanda d’aller rejoindre les autres jeunes.
De là où il se tenaient, les trois hommes pouvaient voir que le corps était défiguré. La peau du visage avait été enlevée, sans doute pour rendre plus difficile l’identification de la personne tuée. Ils étaient tous sous le choc. Paul finit par se détourner de la scène et vomit. José descendit dans le fossé pour mieux examiner le corps. Le père Callaghan fit le signe de croix et suivit José. Les deux se regardèrent et leurs yeux exprimèrent une même compréhension ; ils l’avaient identifié.
« On l’a torturé ; quelques doigts manquent », dit José.
Le père Callaghan commença à prier pour le repos du défunt. José sortit du fossé et s’approcha de Paul. Constatant que ce dernier avait été malade, Il demanda : « Ça va ? »
Paul se tourna vers lui, affichant un air hébété et confus, sans dire un mot. José réagit aussitôt en lui pressant le coude et lui dit en adoptant un ton ferme :
« Allez Paul, ressaisis-toi ! Tu dois raccompagner les jeunes au village.
— Mais nous ne pouvons pas laisser le corps comme ça, bredouilla Paul.
— Je sais. Mais pour le moment, nous n’avons pas le choix, répliqua José en jetant un œil vers la zone boisée au sommet de la colline sur sa droite. Il se peut que quelqu’un soit justement en train de nous espionner. Je vais recouvrir le corps avec des feuilles et des branchages. »
Le prêtre qui venait de les rejoindre et avait entendu la dernière partie, se montra d’accord.
« José a raison. On ne peut rien faire pour le moment.
— Je reviendrai avec d’autres pendant la nuit et nous nous occuperons de la dépouille », ajouta José.
Paul finit par se résigner et partit rejoindre les jeunes, qui savaient maintenant ce qu’avait découvert Jorge et attendaient en silence. José et le père Callaghan les regardèrent s’éloigner, puis redescendirent auprès du corps.
« Tu l’as reconnu ? s’enquit le prêtre.
— C’est Eduardo. Je l’ai vu juste avant qu’il parte faire sa tournée des commerçants. Ce sont les vêtements qu’il portait.
— C’est bien ce que je pensais.
— Sa femme ne doit pas le voir ainsi.
— J’ai dit les prières d’usage. Je sais que tu feras pour le mieux dans les circonstances. »
Il jeta un dernier regard au corps mutilé d'Eduardo le sellier et laissa José, qui commença à le recouvrir avec les broussailles.
Hommage aux ancêtres
(p. 135-136)
Le lendemain matin, deux silhouettes humaines se profilaient dans la lumière de l’aurore sur la piste traversant le même champ de maïs qu’avaient emprunté Paul et José pour se rendre à la pyramide. Mais cette fois, il s’agissait de José et du chaman Manuel se rendant à la grotte sacrée située sous la pyramide pour rendre hommage aux ancêtres et demander leur protection pour le nouveau-né.
Le chaman ouvrait la voie. Lorsqu’ils arrivèrent à l’embranchement d’où le sentier principal continuait en montant sur leur gauche jusqu’à la pyramide, ils s’engagèrent sans s’arrêter sur la petite sente qui descendait sur leur droite et disparaissait dans la forêt. Un peu plus loin, la piste devint de plus en plus rocailleuse en contournant le tertre non dégagé d’une quinzaine de mètres de diamètre cachant la majeure partie de la pyramide. Avec le temps, des arbustes et des broussailles avaient cru sur le tertre herbeux et entre les gros blocs rocheux moussus qui jonchaient le bord de la piste.
Pendant tout le trajet, ils demeurèrent silencieux, Manuel gardant toujours les yeux fixés sur la route devant, concentré sur la tâche à accomplir, tandis que José semblait plus fébrile, attentif aux bruits de la forêt, plutôt rares dans cette atmosphère étouffante. Il regardait nerveusement autour de lui, de gauche à droite, de haut en bas, troublé par la moiteur ambiante et le calme étrange du lieu.
La piste se terminait au cenote, le puits naturel jouxtant la base de la grande structure. L’entrée de la grotte, partiellement cachée derrière les broussailles, semblait descendre sous la pyramide. Une fois sur place, ils firent une courte pause pour étancher leur soif et éponger la sueur perlant sur leur visage et leur cou.
Avant de pénétrer dans la grotte dont l’entrée correspondait au gabarit d’un homme de taille moyenne, Manuel sortit quelques effets d’un sac de toile brodée de motifs animaliers, notamment un petit pot d’argile en terre cuite suspendu à une chaîne, des bouts de bois de pin, une bouteille contenant de la résine de copal et une autre de résine de pin. Il déposa dans le pot les morceaux de bois et quelques cailloux ramassés devant l’entrée de la grotte, puis les enduisit avec les résines.
José observait attentivement toutes les actions de Manuel. Une fois ces préparatifs terminés, le chaman se tourna vers José pour lui expliquer ce qu’il faisait.
« Tu vois, ces petits cailloux sont les gardiens de cette ouverture donnant accès au monde de Xibalta, où sont retournés nos ancêtres. En mettant le feu à ces pierres, je vais les réveiller et leur demander d'intercéder pour nous auprès des esprits du monde souterrain. »
José ayant hoché la tête en signe de compréhension, Manuel se retourna et alluma la mixture qu’il avait préparée dans le pot d’argile. Bientôt, une épaisse fumée noire s’éleva, et le chaman commença à psalmodier une prière tout en balançant son encensoir de fortune devant l'entrée de la grotte.
« Oooo Xibalta, Oooo Tiox Mundo, Santo Mundo, pardonnez-nous de venir déranger votre sommeil et je vous en supplie, permettez que nous entrions, moi Manuel Ochte et mon apprenti José De leon Ochte. Oooo Xibalta, Oooo Tiox Mundo, je vous en supplie, accordez-nous de rencontrer les esprits de nos ancêtres à qui nous demandons la protection pour le fils nouveau-né de José. »
Tout en continuant à balancer son encensoir et à marmonner, Manuel pénétra lentement dans l’antre. José suivit, et bientôt les deux disparurent, cachés par la colonne de fumée noire sortant de la grotte.
Massacre
(p. 246-248)
Tôt en matinée, lors d’une patrouille effectuée début mai 1981, à une trentaine de kilomètres de leur camp de base, un groupe de douze rebelles, fusils en bandoulière, commandé par José, se déplaçait silencieusement sur une sente traversant un petit secteur boisé au sommet d’une colline, quand Octavio, qui marchait en tête, s’arrêta soudainement à la limite des arbres, posant un genou à terre et levant la main droite, ordonnant ainsi au groupe de s’arrêter. José, qui fermait la marche, s’empressa de le rejoindre, en prenant soin de garder le corps penché en avant. Sans se retourner, Octavio montra du doigt un village nichant dans une petite vallée au bas de la colline. Une fumée suspecte montait du centre de l’agglomération. José prit ses jumelles et essaya de voir s’il pouvait détecter une quelconque activité.
« L'endroit semble désert. Le village a probablement été attaqué. »
Il scruta à nouveau le village, puis les environs en effectuant un lent mouvement panoramique vers la gauche et vers la droite sur les collines l’encadrant. L’environnement ressemblait à celui de Concepción, avec plusieurs petites parcelles de terre cultivées sur les pentes, jalonnées de nombreux sentiers et parsemées de bosquets d’arbres. Au bout d’un moment, il abaissa ses jumelles.
« Rien, pas une seule personne en vue ! (Puis se tournant vers Octavio) Bon, je vais descendre jusqu’au village avec trois hommes. Nous essayerons de comprendre ce qui s’y est passé. Mais avant, toi et les autres, vous vous déplacerez discrètement des deux côtés du village, en restant sous le couvert des arbres sur les hauteurs. En chemin, essayez de repérer la route qu’auraient empruntée d’éventuels ennemis. Une fois rendu sur les collines opposées, vous enverrez des signaux lumineux avec un miroir pour nous faire savoir si la voie est libre. Mon groupe et moi commencerons alors à descendre vers le village. Vous ferez de même lorsque vous nous verrez atteindre les premières habitations. »
José et son groupe parvinrent sans incident jusqu’au cimetière situé à la limite du village. Là, ils attendirent un moment, tapis derrière des pierres tombales, à l’écoute du moindre bruit. À part le croassement soutenu des corbeaux, rien d’inhabituel. Après quelques minutes, José demanda à deux de ses hommes de se faufiler entre les maisons bordant la route périphérique avant d'entrer dans le village à la hauteur de l’église et tenter de s’y rendre. De leur côté, lui et l’autre membre du groupe prendraient par la rue transversale menant au cimetière depuis la rue principale pour se rendre jusqu’à la place centrale. Puis, armes en main, ils se mirent en route, courant de maison en maison, les croassements gagnant en intensité à mesure qu'ils se rapprochaient de la place publique.
Ayant atteint le dernier bâtiment donnant sur la place publique, José sortit la tête du coin de la maison pour vérifier s’ils pouvaient continuer à découvert. Quand il découvrit la scène macabre que ceux qui avaient attaqué le village avait laissée au centre de la place, son cœur s'arrêta une seconde. Les corps de six hommes nus y avaient été suspendus à un cadre de fortune, tête en bas, les mains et les pieds liés ensemble. On les avait sévèrement battus et émasculés. De nombreux corbeaux se régalaient en arrachant des morceaux de chair tandis que plusieurs autres tournoyaient autour des corps. L'état de décomposition avancé convainquit José que les auteurs de ces atrocités avaient quitté le secteur depuis quelques temps déjà.
Ils finissaient de détacher les corps lorsque l'un des hommes envoyés à l'église arriva en courant. Ce dernier resta un moment interdit, visiblement ébranlé, en fixant les corps étendus au sol.
« Quelle bande de barbares ! finit-il par lâcher dans un souffle. (Puis levant les yeux sur José) Il y en a d’autres… dans l’église. »
À l’église, ils trouvèrent l’autre membre de leur groupe assis sur les marches du porche. La scène que ce dernier avait vu à l’intérieur l’avait laissé dans un état de profond abattement. Il y avait des traces de vomi sur les marches devant lui. Il n’eut aucune réaction lorsque José passa près de lui pour entrer dans l’église. Même si la fumée extérieure s’était dissipée, un épais voile de poussière de cendre flottait encore dans la nef, et José du attendre quelques secondes avant de pouvoir distinguer quelque chose à travers la faible lumière ambiante. Dès ses premiers pas à l’intérieur, l’odeur des cadavres devint si insoutenable qu’il dû se couvrir le nez et la bouche avec un mouchoir. José réalisa alors toute l’ampleur du drame qui s’était joué dans le village.
La plupart des victimes étaient des femmes, des enfants et des vieillards qui, croyant trouver un refuge dans l’église, s’étaient plutôt retrouvés piégés à l’intérieur. D’après les traces visibles et les odeurs de brûlé, José déduisit qu’on les avait probablement d’abord arrosés de grenades incendiaires, puis que ceux et celles encore en vie, avaient été achevés à la machette. Partout où son regard se posait dans la nef, José vit des corps démembrés et des éclaboussures suspectes. Il s’agissait bien d’un génocide, du massacre généralisé d’un groupe d’Indiens mayas innocents.
Furieux, José sortit en trombe, marcha résolument vers l'homme pétrifié encore assis, l’empoigna par les épaules et lui ordonna de se lever. Puis il se tourna vers les autres, qui avaient l’air accablés et même découragés. Ils avaient besoin d’être secoués.
« Écoutez-moi bien ! Ce n'est pas le moment de se laisser abattre. Avec Octavio et les autres, nous allons traquer ces salauds jusqu’à leur repaire et les éliminer avant qu’ils ne frappent à nouveau ailleurs. Ensuite, nous reviendrons ici pour enterrer les corps de nos frères et sœurs, comme il convient. »
Calendrier sacré des Mayas
(p. 271-273)
En fin d'après-midi, l’hôpital clandestin était déjà rempli de nouveaux patients et une demi-douzaine d’aides-soignants se déplaçait dans un va-et-vient continuel entre la maison et le chapiteau. Assis au chevet de son fils Arturo reposant dans un lit de camp un peu à l'écart des autres à une extrémité de la véranda, José semblait avoir repris ses esprits après avoir été rassuré sur l'état de santé de son enfant. Ce dernier dormait profondément tandis que son père gardait son attention concentrée à dessiner quelque chose dans un petit carnet avec des crayons de couleur.
Paul venait tout juste d’effectuer son troisième et dernier transport de blessés. Mireya réussit à l'intercepter alors qu’il se dépêchait de se rendre auprès de son ami. Elle lui apprit que la femme et la mère de José avaient péri durant l’attaque sur le camp des rebelles. Paul prit un moment pour digérer la terrible nouvelle. Il ne voulait pas se montrer trop émotif en abordant son ami. Toujours penché sur son cahier, José leva la tête en entendant des pas approchés. Il accueillit Paul avec un sourire triste, puis désignant son fils, il dit : « Mireya m’a promis une guérison rapide et sans séquelles.
— Ça m'a brisé le coeur quand j'ai appris pour Anna et ta mère, dit Paul en posant une main amicale sur l’épaule de José.
— Ils ont attaqué alors que la plupart des hommes avaient quitté le camp pour effectuer des patrouilles. Quand je suis revenu avec mon groupe juste avant le coucher du soleil, nous avons trouvé une scène de totale dévastation. Arturo a eu beaucoup de chance. Je l'ai trouvé sous Anna... » Soudain assailli par le souvenir, José s'arrêta de parler. Ses yeux s'embuèrent et il se mordit la lèvre inférieure pour retenir ses larmes. Puis levant les yeux sur Paul, il s’éclaircit la gorge pour ajouter, la voix tremblante : « J’ai d’abord cru que lui aussi était mort…
— Elle a tout fait pour le sauver et elle a réussi », dit Paul, mettant l’emphase sur le courage d’Anna. Puis il demanda : « Et Luis ?
— Je ne sais pas. Il a probablement réussi à s’échapper, sinon nous l’aurions trouvé, dit José en regardant Paul avec une lueur d’espoir dans les yeux.
— C’est très encourageant. Mais tu n'as encore parlé de Manuel. Sais-tu ce qu'il est advenu de lui ? »
José resta un moment silencieux, le regard perdu au loin, puis parla avec une voix plus ferme et grave.
« Il y a quelques temps, alors que nous patrouillions dans la région de Totonicapan, nous sommes tombés sur un petit village isolé. L’endroit semblait avoir été déserté, mais un panache de fumée noire s’élevant au-dessus du centre du village nous a intrigués. Nous avons donc décidé d’aller voir de plus près ce que cela signifiait. En arrivant sur la place publique, nous y avons trouvé six hommes pendus par les pieds et émasculés. La plupart des habitants s’étaient réfugiés dans l'église, se croyant probablement à l'abri de la violence en raison de son caractère sacré. (Puis regardant Paul avec un regard hanté par le souvenir) Les assaillants les y ont barricadés et ont lancé des grenades incendiaires à travers les fenêtres. Ceux qui ont survécu aux explosions ont été achevés à coups de machettes...
… Pendant que ceux qui ont quitté leurs villages pour aller se battre, les escadrons de la mort utilisent les tactiques de la terre brûlée. Ils effectuent des raids dans les villages pour détruire les cultures et massacrer ceux qui sont restés sur place, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées… Quand j'ai raconté à Manuel ce qui s'était passé à Totonicapan, il a décidé de retourner à Concepción, disant que sa place était là-bas, avec les aînés. Avant de partir, il m'a également dit qu'il m'avait appris tout ce qu'il savait et qu'il était maintenant de mon devoir de faire de même avec Arturo, afin qu'il puisse devenir un chef et un chaman.
— Que comptes-tu faire ?
— Quand Arturo ira mieux, je l’emmènerai dans les montagnes et tenterai de passer au Mexique. Je dois tout faire pour sauver mon fils, pour qu’il grandisse dans un environnement plus sûr, répondit José en regardant affectueusement son fils. (Puis revenant à Paul) Je ne veux pas rester ici plus longtemps. Je pense que les militaires savaient où nous trouver lorsqu’ils ont attaqué notre campement. L’étau se resserre autour de nous. Toi aussi tu devrais partir tandis qu’il est encore temps.
— Je ne peux pas m’en aller et abandonner les blessés. Mais si tu penses que vous avez été trahi ou que quelqu’un a parlé sous la torture, tu devrais en parler directement avec Mireya.
— C’est ce que j’ai fait. Elle a dit qu’elle contacterait David pour en discuter avec lui. »
Toujours inconfortable avec l’idée d’abandonner les blessés, Paul voulu alléger l’atmosphère.
« En venant te voir, je t’ai vu en train de griffonner quelque chose.
— J’étais en train de dessiner un calendrier, dit José en le montrant à Paul.
— Est-ce celui que vous appelez le calendrier sacré ?
— Oui. C’est calendrier rituel de 260 jours que nous appelons Tzolk'in. C’est celui que nous utilisons pour établir le calendrier des événements religieux et les autres grands événements de notre histoire. Comme tu peux voir, il se compose de deux cycles : un cycle constitué de 20 jours associés à une image-symbole ou glyphe ayant une signification distincte et un autre constitué de 13 jours numérotés de 1 à 13. Cela fonctionne comme un engrenage de deux roues dentées de 20 et 13 dents tournant continuellement pour qu’à chaque 260 jours les deux se réalignent sur le premier jour de chaque cycle (260 = 20 x 13). »
Paul désigna un des symboles représentés sur le dessin.
« On dirait une grenouille.
— Bien vu, répondit José. La grenouille est utilisée pour indiquer quand les eaux vont se retirer ou quand elles se sont retirées dépendamment des autres symboles avec lesquels il est associé. Il y a différentes façons d’interpréter cet énoncé. Par exemple, pour Manuel, nous arrivons à la fin d'un long cycle d'environ 400 ans, qui marquerait le passage d'une période de grande noirceur à un nouvel âge d'illumination et de progrès pour les Mayas. »
José détacha du carnet la page sur laquelle il avait dessiné le calendrier.
« Tiens ! C’est pour toi. Pour que tu t’entraînes à le déchiffrer.
— Wow, merci José. Je vais le garder précieusement.
— Ça me fait toujours du bien de dessiner les calendriers. Ça permet de regarder les événements actuels dans un contexte plus large et de reconsidérer nos décisions. »